Ce qui est promis est du: voilà le premier chapitre d’ A Marée basse
j’attends vos retours merci
A marée Basse
Ils ont laissé l’empreinte de leur barque sur le sable, la marée a tout effacé
Acte 0
La terrasse du » Sex on Sand and Sun bar » encore à l’ombre d’un soleil caché derrière la crête de la dune bruissait déjà. Les surfeurs avaient prématurément abandonné leur lit, à moins qu’ils ne l’aient pas encore rejoint. En file, tous, attendaient impatients. Ce matin débutaient les auditions et il ne fallait, pour rien au monde manquer ce casting estival.
Le camion de la production télé, lui peu matinal, se faisait attendre. Les serveurs étaient suffisamment réveillés pour placer quelques « cafés croissants » aux clients en quête de dopage pour se présenter sous leurs meilleurs atours.
Depuis plusieurs jours, des affiches placardées sur tout le littoral, de Soustons à Hossegor, annonçaient un « casting d’enfer pour une nouvelle émission de télé réalité », sans autre renseignement. Annie, correspondante du journal local Sud-Ouest, avait enquêté et sorti un papier. Bien que détaillé, sa lecture ne nous apprenait pas grand-chose en réalité. La société de production ayant préféré peu communiquer, pour éviter de se faire doubler par d’éventuels concurrents.
Etait seul mis en avant, le profil des « clients », on recherchait des jeunes post ados à l’originalité certaine, sans exclure, bien au contraire, ceux aux parcours particuliers. Tout le monde avait sa chance, le seul risque étant celui d’être choisi et de passer à la télé. Qui pouvait résister au chant des sirènes médiatiques ?
Le premier à arriver au volant d’un simili combi Volkswagen fut Mickael. A coups de klaxon, il se fraya un chemin et se fit surtout bien remarquer.
Exfiltré de son engin, on ne pouvait pas ne pas voir, sous la faible lumière ambiante, sa chemise tahitienne et ses Rayban, autant d’objets hors sujet.
A l’aide de grands gestes, Il essaya bien de se faire entendre, sans réussite. On était venu s’amuser sérieusement, pas avec des guignols de cet acabit. Il n’avait pas grand-chose à dire, ne put le placer, ça tombait bien, personne n’avait envie de l’écouter. Arrivé d’assurance, il battit en retraite, comme on dit ici » sa queue entre les pattes ».
Heureusement, le camion technique estampillé « 19 mai production », ne fut pas long à arriver pour lui sauver la mise et lui permettre d’exister après ce premier faux pas.
Mickael prit en main l’installation du matériel sous forme de petits stands : une table, deux chaises, espaces dissimulés des voisins par des paravents mobiles.
Premier exercice : distribuer à chaque participant un numéro d’ordre régulant son passage, attribuer à chaque stand, une lettre, puis associer chiffres et lettres pour mettre en face de son examinateur, chaque candidat.
-vous aurez 5 minutes pour vous présenter, pas une de plus, réfléchissez bien à ce que vous allez dire, vous remettrez la fiche que vous aurez remplie. Après vous passez à la photo, on vous recontactera, peut-être !
Le vrai triomphe de Mickael, il le tenait , il tenait sa revanche, tout le monde l’écoutait désormais et ce n’était qu’un début.
D’autorité, il prit la direction du poste A, invitant le premier candidat, une candidate : Joëlle timide, marmonna plus qu’elle ne se présenta. Sans difficulté ni gêne aucune, il l’enfonça d’une formule assassine :
- En cette aube naissante vous ne brillez pas assez mademoiselle pour oser imaginer une carrière médiatique. Mais passez chez le photographe. En lumière rasante vous impressionnerez peut-être la pellicule.
Bloqué sur l’argentique, il avait des difficultés avec le numérique.
5 minutes d’entretien, cinq de pause, le défilé continua. Ils partirent plus de 500, peu arrivèrent à bon port et sans larmes. Le chagrin fondit entrainant leurs espoirs.
Ils commencent à comprendre que ce n’est pas si simple de passer à la télé, se disait Mickael tout excité de voir tous ces candidats malheureux.
La production avait recommandé des pointures, jusque-là, rien de bien folichon : des « peu réussis » voire ratés si ordinaires qu’une caméra ne pourrait en tirer que quelques clichés trop banals. Trop ternes, trop lisses, ils n’intéresseront guère des téléspectateurs devenus difficiles à intéresser. Il nous faut au minimum au départ, du peu commun, du peu linéaire pour espérer en ressortir à l’arrivée quelque chose d’un peu saillant et croustillant.
Des personnes pas assez malheureuses pour gonfler l’audimat, seul le malheur touche et rapporte à l’écran.
Trop de bronzés un peu décérébrés, n’y aurait-il donc, aucun fêlé pour la télé ?
Il avait fallu suer sang et eau, surtout café coca, pour établir une première sélection un peu originale, assez atypique. Dans ce creuset de personnalités, à condition de savoir doser, épicer surtout, on pourrait monter une mayonnaise susceptible de prendre à l’antenne. Le réalisateur saurait bien, en mettant le doigt où ça fait mal, rouvrir des plaies, activer des fêlures chez ces jeunes qui se cherchent de ne jamais risquer se trouver. Quitte à en revoir certain ou certaine qu’il n’avait pas réussi à explorer, mais chez qui il avait senti » qu’il y avait matière « selon une de ses formules fétiches.
Mais il était temps de remballer le matériel, la nuit l’aidera à faire grandir ses impressions, ses perversions. A tous ces imbéciles qui se croient heureux de ne pas se savoir malheureux, il allait imposer sa vision de la vraie vie !